1-9 Juin 2023
NORVÈGE : LE PRINTEMPS DES OISEAUX
Un séjour d'observation des oiseaux dans les montagnes de la Norvège, avec une immersion dans l'écologie, l'histoire et la culture du pays.
Des paysages époustouflants, avec forêts et toundras du Nord, des oiseaux mythiques comme le cygne chanteur et la sterne arctique, la Harelde boréale et le bruant des neiges, la gorgebleue à miroir, le pluvier guignard, le chevalier combattant. Une nature profonde, primaire, sublime. Le voyage d'une vie.
Quand: du 1 au 9 juin 2023 inclus.
Où ? Les Montagnes de la région du Parc National de Dovrefjell
Mots Clefs : Oiseaux, Montagnes, Glaciers, Agriculture, Histoire Viking, Taïga, Lacs, Botanique, Toundra, Bœufs Musqués, Rennes, Élans, Culture…
Guides: David Rosane (Ornithologue, naturaliste) & Anne Lisbet Tollånes (Histoire et Culture)
Niveau: débutants, pensez "safari" mais avec des oiseaux et quelques mammifères qui vous seront montrés, identifiés et nommés. Leur comportement, expliqué.
Niveau physique: balades courtes et randonnées niveau 1, quelques affûts en observatoire.
Tarif: 1800* Euros TTC à partir d’Oslo.
Cela comprend le transport, le guidage, l’hébergement, ainsi que petits déjeuners, pic-nics et repas du soir. Alcool non compris.
L'aller retour France-Norvège est à votre charge.
*les tarifs peuvent varier légèrement selon le cours de change de l’euro.
Nous écrire à davidrosane(at)gmail.com ou anne-lisbet(at)roligrolig.com si intéressé.e.s
JOUR 1: Oslo à Beitostølen, découverte des Montagnes
JOUR 2: Col de Valdresflye. Toundra et glaciers.
JOUR 3: La Réserve Naturelle de Fokstumyra
JOUR 4: Parc National de Dovrefjell
JOUR 5: Réserve
forestière de Slettestjønna
JOUR 6: Lac et Hautes Montagnes de Orkelsjøen
JOUR 7 : Retour à Oslo avec Arrêts
JOUR 8 : visite guidée de la forêt Taiga au nord de la Capitale
JOUR 9: retour Paris
Chevalier Gambette marchant sur la glace
Le PROGRAMME détaillé
1er JUIN, transport d'OSLO à BEITOSTØLEN, sur le contrefort des montagnes. Paysages rurales, champs céréaliers et forêts de conifères et bouleaux. Beitostolen, un village à la limite des arbres, aux portes de « Valhalla », le paradis, mais sur terre. Commencent alors la toundra et les glaciers, les lacs à perte de vue du haut plateau de VALDRESFLYE. Nous logerons pour commencer en Gite dans une vieille ferme avec possibilité dans le jardin et bois alentours de mésanges boréales, grives litornes, gobemouches noirs, rougequeues à front blanc et chouette de Tengmalm.
ferme estivale
2 JUIN : COL DE VALDESFLYE ET LAC DE VINSTRE… initiation aux chants et comportements des oiseaux de la toundra qui déjà paradent et nichent à 1400 mètres d’altitude comme par exemple sternes et plongeons arctiques, divers échassiers dont pluviers guignards et dorés, bécasseaux violets et variables….Les amateurs de passereaux ne seront pas en reste avec possibilité de Bruants des roseaux, lapons et des neiges, en plus des pipits, traquets et bergeronnettes omniprésentes. Dégustation d’un déjeuner typique à midi, le somptueux Rømmegrøt suivi d’une courte rando jusqu’au sommet d’une colline avec vue imprenable sur toute la chaine des montagnes du haut plateau central de Norvège. Époustouflant. Retour repas et nuit à BEITOSTØLEN.
Grand Gravelot
3 JUIN : Départ matinal pour FOKSTUMYRA et son “lek” de chevaliers combattants ! Petit déjeuner et bref retour sur le haut plateau alpin de Valdresflye pour admirer une dernière fois les parades spectaculaires de nombreux échassiers de la toundra enneigée, puis descente dans la vallée forestière qui nous mène à la petite ville de Dombas. Possibilité de Mésangeais, Pipits des arbres, Pics noirs, Mésanges Boréales et Autours des palombes en chemin.
Picnic et après midi à la réserve naturelle de FOKSTUMYRA, un marécage avec pontons et observatoire, où nous admirerons les parades invraisemblables du chevalier combattant…
Possibilité de croiser le hibou des marais, la chouette épervière, le lagopède des saules, le courlis cendré, des élans... La gorgebleue et la grive mauvis sont omniprésentes. Petit exposé sur l’Agriculture des hautes altitudes, nous rencontrerons nombre de fermes estivales d’élevage.
Diner et Nuit au chalet de Dovregubbens.
Phalarope à bec étroit
4 JUIN : départ pour les contours du PARC NATIONAL DE DOVREFJELL avec visite guidée du désormais célèbre “chemin du bœuf musqué”, petite rando facile à travers des forêts de bouleaux tout droits issues d’une iconographie de conte de fée, où nous nous arrêterons pour écouter le joli pinson du nord, chez lui en Scandinavie, et où nous rechercherons le pic tridactyle.
Nous longerons un torrent avec possibilité de croiser un cincle plongeur avant de dépasser la limite des arbres à nouveau et de gravir une pente facile de montagne au paysage lunaire, et d’où nous pourrons observer les étranges bœufs musqués à la longue vue. L’été en Norvège il fait trop chaud pour ces mastodontes originaires du Groenland, les vieux mâles ou “taureaux” restent affalés sur des névés et glaciers pour tenter de se “rafraîchir”, tandis que les plus jeunes accompagnent leurs mères.
Pic-nic suivi d’un après midi décontracté : la route qui nous ramène au chalet pour la nuit est jalonnée de multiples spots à oiseaux dans la région de HJERKINN avec possibilité de busards st-martins, faucons crécerelles et émerillons, lagopèdes des saules) et petits chemins où nous pourrons faire (aussi!) de la botanique, ou pour simplement admirer et absorber tous les superlatifs du paysage alentour.
Possibilité de dégustation de fromage et/ou visite d’une magnifique ferme équestre en chemin. Repas du soir puis dodo.
Bœufs Musqués
5 JUIN: départ matinal pour une RÉSERVE NATURELLE, un lac, auréolé d’un marais, lové au creux d’un bout de Taiga, située en contrebas du massif de Doverfjell. Ce lieu magique hors des sentiers battus fut la grande découverte et surprise de notre repérage 2021 avec observation, depuis un affût génialement conçu, de grèbes esclavons, cygnes chanteurs, courlis cendrés, chevaliers aboyeurs et grues cendrées, tous sur leur nid ou avec des petits, de tétras lyre aussi, avec garrots à œil d’or, canards siffleurs et sarcelles d’hiver et fuligules morillon nicheurs.
Pic-nic suivi d’une remontée vers les montagnes, à travers une sublime forêt de pins sylvestres tapissée de myrtilliers et griffés d’immenses torrents et de cascades, pour chercher d’autres oiseaux de forêt : mésanges, Bouvreuils pivoines, sittelles, pics, gobe-mouches gris et noir, et qui sait, peut-être un grand tétras (mais aucune promesse !).
Repas et nuit en gîte à la station de Bjerkeløkkja.
Parc National de Dovrefjell et Harelde Boréale
6 JUIN: pour couronner ce bout du voyage dans les montagnes, une journée entière au sommet du monde avec pic-nic dans les nuages à plus de 1000 mètres d'altitude, sur les rives d'un lac, entouré d’un paysage extra-planétaire, d’immenses blocs de granite adoucis par des champs de lichens et de mousses multicolores en mosaïque.
C’est ce lieu, l’un de nos préférés, si paisible et sublime à la fois, qui est raconté dans la chronique ci-dessous. Une féerie d’oiseaux dont macreuses, hareldes, fuligules et plongeons, sternes, pluviers, merles à plastron, phalaropes, bécasseaux sylvains et de Temmink, qui paradent, copulent, couvent ou nourrissent déjà leurs jeunes.
Possibilité d’aigle royal, de grand corbeau, de faucon pèlerins et émerillon, de buse pattue, de courlis corlieu…. Un best of du bestiaire de montagne norvégien.
Repas et nuit en gîte à la station de Bjerkeløkkja.
Grue cendrée
7 JUIN : retour pépère à Oslo avec arrêts en chemin pour se dégourdir les pattes et voir des oiseaux (bien sûr!) au bord du chemin. Possibilité lorsque nous descendrons de la montagne, en plaine, d’entendre l’Hypolais icéterine, le Bruant Jaune, la fauvette des jardins ou babillarde. Picnic en route. Repas et nuitée au Gardermoen Bed and Breakfast.
Forêt à Oppdal
8 JUIN : la forêt au nord d’Oslo n’a rien à voir avec tous les écosystèmes rencontrés dans les montagnes. Techniquement elle marque le début de la grande forêt Taïga de plaine qui s’étire vers l’est et le nord vers la Suède et la Finlande, royaume notamment du lynx boréal, de la chouette lapone... Avec Simon Rix, notre guide ornitho émérite, nous parcourrons la forêt autour du lac de Maridal, aux portes nord de la capitale, pour rechercher, entre-autres le pic tridactyle, le pouillot siffleur, le roselin cramoisi, le grimpereau des bois, le torcol fourmilier, ainsi que la mystérieuse gélinotte des bois.
Déjeuner sur le pouce avec visite du port/fjord d’Oslo l’après-midi. Possibilité d’Eiders à Duvet et de Harles Huppés et quelques autres oiseaux d’eau typiques des côtes du grand nord.
Repas et nuitée au Gardermoen Bed and Breakfast.
9 JUIN: Vol pour Paris.
Photos: Anne Lisbet Tollånes et David Rosane
NB: Aucune espèce, aucune observation, surtout de grands mammifères, n’est garantie. La nature est imprévisible, mais tout reste possible.
CARTOGRAPHIE DU VOYAGE
Notre itinéraire dans les montagnes (ci-dessus) se situe entre le point rouge et le drapeau vert (ci-dessous), au centre sud de ce gigantesque pays.
Nous partirons d'Oslo en bas de la carte, et nous y retournerons
pour le dernier jour du circuit :
GALERIE PHOTO et FILMS
Valdresfrye
Grive Mauvis
Bergeronnette printannière
Bécasseau de Temmink
Sterne Arctique
Plongeon Arctique
Fleur de la Toundra
Toundra d'Orkelsjøen
Toundra d'Orkelsjøen
Cabane DNT
Pause Norvégienne
Col de Valdresflye
Bruant Lapon
Lac de Valdres
Anne Lisbet
D'Oslo à Beitostølen
Colza, en route pour les montagnes
Merle à Plastron
Elan
Anne Lisbet
David
Gîte Intérieure
Bruant des neiges
Chevalier combattant
Chevalier combattant
Pluvier doré
lagopède alpin
Chevalier Gambette
CHRONIQUE
DE NOTRE REPERAGE EN 2022
Voici la Chronique de nos voyages de repérage dans les magnifiques montagnes de Norvège, niveau ultime du monde connu, que nous avons tant envie de partager avec vous...
AXIS MUNDI
« Certains pêcheurs passent toute leur vie sans savoir que ce n’est pas le poisson qu’ils recherchent. »
Henry David Thoreau.
Avouons-le, les oiseaux, c’est un prétexte.
Je m’explique.
La Norvège. Plus qu’un pays, la « voie du Nord », comme son nom l’indique, la route qui mène ailleurs, très loin, très haut, vers une sorte d’au-delà terrestre, un sommet du monde, là où le nôtre s’arrête et l’idée d’un nouveau monde commence, supérieur au nôtre.
Un paradis, en quelque sorte, l’incarnation immédiate, en chair et en os, vivant et minéral, en montagnes et glaciers, torrents et lacs, forêts et toundras, du célèbre Valhalla du peuple viking.
Je pèse mes mots.
Chaque fois que j’y vais, j’y subis une ascension à la fois géographique, physique et mentale. Une transcendance.
Au printemps, notamment, à plus de 1000 mètres d’altitude, c’est à dire au début du mois de Juin, quand l’hiver n’a pas dit son dernier mot mais que l’été commence déjà, à l’image de tous ces oiseaux qui dansent et chantent sur la glace et la neige.
Dans les montagnes du centre du pays, les saisons ne s’enchaînent pas, elles se superposent, preuve que vous êtes déjà dans l’ailleurs étrange d’un Nirvana. L’air est frais mais le soleil brûle. Vous planez.
Dans les hauteurs autour de Dovre et d’Oppdal, plus d’une centaine d’espèces se laissent observer, approcher, admirer, dont la moitié sont rares ou inexistantes chez nous, ou simples migrateurs de passage.
A mille mètres déjà, nous sommes au-dessus de la limite des arbres. Ne poussent que buissons de saule et d’épaisses couches de lichen et de mousses couleur pistache et œufs montés en neige. Partout début juin, la symphonie de la reproduction est engagée, la saison des amours pulse de façon obscène, imaginez vous à l’affût, tel que nous l’avons été avec Anne Lisbet cette année; vous êtes immobile à flanc de montagne et lentement vous balayez l’horizon, la vallée, l’immensité, vous êtes dans un tumulte, un orage d’êtres vivants, une orgie de procréation alpine et arctique. La vie dans l’extrême.
A droite, Bruants des neiges et Grands Gravelots gazouillent ou paradent en dansant sur les névés. Plus loin, Bruants lapons et traquets motteux en font autant, sur les premiers rochers gris et pans de toundra émergents. Au loin, un coucou gris dit « coucou ».
Droit devant, un Bécasseau de Temmink dit « driiiit driiiit » en volant en rond dans le ciel, en exagérant chaque battement d’aile, en faisant vibrer ses plumes aussi, posture ahurie qui lui permet de défendre son territoire avec la détermination d’un jouet mécanique magiquement en vie.
Plus loin, un Bécasseau Variable fait une parade ludiquement similaire, et au-dessus de lui, un chevalier sylvain en fait autant. Chacun son langage corporel et vocal (fantasques) pour défendre son territoire et attirer l’âme sœur.
Quoi qu’il en coûte ! Whatever it takes.
Une Bergeronnette Printanière passe, jaune citron, suivie d’un couple de Grives Litornes, bleu-grises et fauves. Ça n’arrête pas. Ça n’arrête jamais.
Partout autour, en bruit de fond perpétuel, des Pipits Farlouses affichent leur abondance en émettent leurs trémolos aiguës en vol, comme nos alouettes. Et loin derrière, à flanc de sommet, un Pluvier Doré siffle ses longues notes mélancoliques pour couronner le tout.
Pas fini. A quelques mètres seulement, une Gorgebleue à Miroir apparaît soudain et s’égosille en haut d’un buisson qui n’a pas encore ses feuilles, tandis que la femelle fabrique déjà son nid, en incessants allers-retours, le bec gavé de matériaux trouvés entre deux pans de neige fondante.
Soucieux de la garder pour elle, et de confirmer son talent, le mâle redouble d’effort en poivrant son chant d’imitations parfaites d’autres oiseaux qui chantent à proximité, comme ces phrases flûtées, magistrales, du merle à plastron entendues cinq minutes plus tôt, et ces sifflements si mélodieux, quasi-humains, de la grive mauvis.
Au loin, et à la longue vue, sur une crête lunaire, stoïquement collée à la roche dont il emprunte les couleurs à des fins de camouflage, un mystérieux Lagopède Alpin, proche parent du faisan, immobile, qui surveille son univers, les plus hautes crêtes, où, été comme hiver, sous l’aurore boréale ou le soleil de minuit, survivant de l’ultime, l’oiseau subsiste avec quelques lichens ingérés à peine.
On bascule dans l’indicible.
Et quel est ce bruit de science fiction? Un enchaînement précipité de cliquetis mêlées de notes pétillantes, et de crécelles, phrasée que l’on croirait sortie du bec d’un extraterrestre et qui émane d’un tas de buissons de saule devant nous, le long du ruisseau de montagne où s’affairent (excusez du peu...) un cincle plongeur et un chevalier guignette...
Il s’agit du chant de la très discrète pour ne pas dire invisible Bécassine Double, sommet de la rareté en Europe qui au printemps, pour les mâles en tout cas, forment des arènes de parade, ou « leks », à plusieurs individus célibataires, cachés dans les buissons.
Les femelles viennent leur rendre visite à l’occasion, pour les écouter et les voir sautiller, et choisissent l’amant du jour en fonction de leurs goûts. La relation entre les deux parents ne durera que le temps d’un bref coït. La femelle élèvera seule les petits.
Chez les espèces à « lek », il arrive que seuls quelques mâles alpha, les plus « jolis », parviennent à séduire et à fertiliser les femelles. La plupart des garçons font chou blanc, dansent et chantent toute une vie sans jamais procréer.
Même scénario chez les Combattants Variés, dont il demeure quelques rares colonies dans ces montagnes, et chez qui les mâles arborent chacun sa propre couleur de « coiffe » ou plutôt plumage en mode Louis 14 (noire, blanche, beige, orange, au choix…).
Ils se réunissent pour danser et se battre pour la faveur de quelques dames. Ici aussi, tandis que ces messieurs ne pensent « qu’à ça », les femelles s’occupent seules d’élever les poussins.
Mais la tendance n’est pas universelle. Au-dessus, mais vraiment très, très haut dans l’azur, une femelle de pluvier guignard survole le monde et relie d’un bout à l’autre l’énorme vallée, en ponctuant l’air de petits cris aigus perçants, comme une sorte d’alarme, pour attirer…. les mâles…
Chez cette espèce par ailleurs magnifiquement coulorée, la polygamie éhontée de la bécassine double et des combattants variés cités ci-haut, se remplace par une joyeuse polyandrie, où la femelle courtise plusieurs mâles, et ces derniers couvent et élèvent les nichées de la reine génitrice tandis que madame fait sa mue et part en migration.
A chaque biome ses comportements, ses mœurs, sa partition, sa signature sonore. Ici, en Norvège, dans ces quelques « hotspots » que nous connaissons par cœur, et où nous allons vous emmener bientôt, de Valdresflye à Orkelsjøen, en passant par Fokstumyra, la biodiversité, facétieuse (roulements de tambour, je repèse mes mots….) se dévergonde, s’enivre, se désamarre, et pète un câble.
La folie et l’excentricité l’emportent et enterrent à jamais l’ennui et l’ordinaire d’un quotidien qui autrement nous plombe. Ici, le survolté fait norme. Le soleil ne se couche presque jamais en juin, il glisse sous l’horizon. La nuit ne vient jamais. On se sent comme empli d’une nouvelle forme d’énergie. Cette nature hallucinée, d’ailleurs, ne vous élève pas, elle vous balance carrément en dehors de la stratosphère, elle vous met en orbite.
Vous êtes projetés, satellisés, il est peu étonnant que vous en reveniez avec le sourire étincelant d’une étoile.
Revenons à nos jumelles. Vous continuez de scanner autour de vous. A l’autre bout de la rivière qui coule tel un ruban au fond de la vallée, dans un nid trouvé avec la longue vue, de jeunes Grands Corbeaux hurlent famine sur leur nid en haut d’une falaise. Un Faucon Pèlerin fend l’air. Puis là, un Faucon Émerillon. Nous sommes ici au royaume des oiseaux rapaces.
Arrive un Aigle Royal, suivi de deux Buses Pattues, planant haut dans le ciel. Avec le Hibou des Marais, le Busard St Martin et le Labbe à Longue Queue, des chasseurs chevronnés de lemming, adorables petits rongeurs roux et noirs impitoyablement installés au pied des chaînes alimentaires où siègent aussi le renard roux et le renard polaire. Ici, tout le monde veut manger sa part de lemmings.
Plus loin, un lac de Montagne. Comme il en existe des milliers, reliés entre eux par un infini de ruisseaux, de tourbières, de prairies imbibées, saturées d’eau de fonte, d’immenses éponges terrestres en fait. Et pour les oiseaux d’eau, l’épicentre de leur existence de globe-trotteur. Tout commence ici, bien avant que la migration ne les amène à l’autre bout de la Terre.
Au printemps, à peine revenus de l’autre bout de la carte, des Chevaliers Gambettes à pattes orange chassent des insectes sur la neige fondante. Le choc des saisons s’opère dans un choc de couleurs. Tandis qu’au-dessus, parfois invisibles tellement leur acrobaties séductrices les emmène haut, des Bécassines des Marais virevoltent dans un étrange ballet sonore : ils font siffler, ou plutôt « bêler » les plumes de leur queue !
Car dans l’autre monde, les oiseaux ne chantent plus avec leur bec, c’est bien connu. Mais avec leurs plumes.
Au lac d’Orkelsjøen, dans les premiers pans d’eau libérés de leur linceul de glace hivernale, les Phalaropes à bec fin (et au splendide cou roux) picorent fiévreusement éphémères et moustiques tandis que la sterne arctique, fraîchement revenue de l’Antarctique, danse dans le ciel, et le plongeon arctique glisse sur l’eau grise aux côtés des fuligules milouinans, macreuses brunes et grèbes esclavons.
Le défilé continue avec l’élégance suprême des Cygnes Chanteurs, Hareldes Boréales et Canards Siffleurs. Sur son nid, une Grue Cendrée.
En France, les claironnements de la grue égaient nos hivers dans les landes et au Lac du Der. Mais en Norvège, vous les verrez avec leurs œufs, voire leur poussins. Dans leur écosystème natal, là où tout commence, « chez elles », c’est un autre oiseau, une autre façon d’exister. Pour elle et pour tant d’autres migrateurs que nous n’observons ici que lorsqu’ils sont de passage.
La Norvège, sa nature, sont un escalier pour l’ultime, on est d’accord, mais ce pays parangon en Europe du sauvage symbolise autant (maintenant que j’y pense) un retour aux origines, forcément, un voyage initiatique au commencement des vies et du monde.
Il est un concept en anthropologie, bien connu, et pensé il me semble pour la première fois par Mircea Eliade, de « l’axis mundi », un trait humain à la fois individuel et partagé en société, une manifestation de nos besoins psychiques de devoir désigner ou de fabriquer une forme de pilier vertical, un axe, pour dire le centre de l’univers, c’est à dire le point, ou foyer, ou QG, d’où nous pouvons observons les quatre points cardinaux du cosmos connus, et d’où nous pouvons partir (et revenir) pour explorer les divers horizons de l’existence.
Cet Axis Mundi peut se concrétiser par une construction, un monument, un obélisque, une tour Eiffel ou de Babel, un Empire State Building, voire un totem, ou mat totémique, chez les natifs de la côte ouest canadienne.
D’après ce que j’ai lu, la chose sert aussi quelque part à nous conforter collectivement dans la conscience que nous avons de notre fragile mortalité, quand elle ne ne sert pas simplement à afficher une illusoire supériorité ou contrôle sur le monde et les autres tribus qui le peuplent : « Regardez mon monument, regardez comme il dit ma force, mon pouvoir, mon aura. »
De drôles d’oiseaux, ces Homo sapiens, n’est-il pas !
A ces besoins profonds et archaïques, se couple la croyance (historiquement ) en une deuxième vie, existence qui se déroulerait de préférence « au ciel », c’est à dire dans un au-delà physique, tant l’idée d’une seule et misérable petite vie terrestre ici bas nous est insupportable, à tel point que nous en avons imaginé une, éternelle, dans le zénith, parmi les étoiles, depuis que nous sommes humains.
Et que construire pour le rejoindre, cet autre monde ? Que ce soit par le biais d’un clocher pointu d’église puritaine, ou la pointe d’une pyramide ? Un axis mundi ! C’est à dire un objet se rapprochant du ciel, un escalier symbolique, ce moyen finalement désespéré pour transcender la mort, le dernier souffle et la putréfaction tant redoutés.
Un artifice culturel, pour dire toute notre cosmogonie, et toute la cartographie de nos vaines croyances, en somme.
Aujourd’hui avec nos télescopes et autres moyens de sonder l’univers, nous savons que ce paradis, cet au-delà, ce Valhalla est déjà pris, peuplé de milliards de galaxies dont nous ne verrons jamais la proximité.
N’en demeure que ce réflexe préhistorique, cet instinct de l’axis mundi, ce besoin de croyance existe encore, il me semble, dans nos quotidiens comme dans nos inconscients. Cet objet, ce monument, donnent un sens, une orientation, à l’existence.
Les plus laïques ont leur religion aussi : l’état de droit, la science. Et nous avons un tas de statues et d’architectures dressées à la verticale, pour cela aussi.
Pour moi qui suit apatride, j’ai trouvé le mien, d’axis mundi, et je suis bien content de l’avoir. Il est le monde décrit ci-haut, cette voie du nord, ce Norvège, ces altitudes, ces vents qui hurlent entre deux battements d’aile d’un grand corbeau, ces notes haut-perchés du pluvier doré au sommet de la planète enneigée…
Oui, c’est ce Norvège là qui est aujourd’hui devenu autant mon centre de gravité que ce monde suprême que je m’entête à vouloir atteindre.
Comme Thoreau et ses poissons, je n’y vais pas pour les oiseaux spécifiquement. Mais les oiseaux font bien parti du voyage.
David Rosane
Guide Ornithologue
Naturaliste et Chroniqueur
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