1-3 DECEMBRE 2021

Du LAC du DER à L'AMAZONIE... 

il n'y a qu'un pas.

Chronique de Séjour.

 
(c) Anne Lisbet Tollänes.

Ceci est la chronique de notre tout premier weekend "décou.verte" au Lac du DER - CHANTECOQ il y a trois ans, en Champagne- Ardennes, et de notre TOUT premier séjour organisé en partenariat avec Paris Birds et Rolig&Rolig.

Un road trip mémorable en mode weekend qui s'est déroulé dans une ambiance grisante de dingue, exploratrice, du 1 au 3 décembre 2021. Et qui depuis est devenu un rdv annuel immanquable.

Parce que "Le DER", réserve naturelle sublime, est un haut lieu d'hivernage exceptionnel pour des dizaines de milliers d'oiseaux d'eau dont cygnes, canards, courlis, pluviers dorés, vanneaux huppés, cormorans et oies de Sibérie et de Scandinavie, et pour la migration des Grues Cendrées - sans doute l'espèce la plus gracieuse d'Europe et dont les rassemblements à l'automne et en hiver constituent l'un des spectacles les plus sidérantes du vivant.

Et parce que les lumières et l'humeur du ciel vous y renvoient à l'origine du monde. Tout simplement.

Programme: Nous sommes partis de Paris à 10 personnes, vendredi soir. Samedi matin: réveil des grues depuis l'observatoire de la LPO. Matinée et après midi dans les différents observatoires qui auréolent le Lac et balade crépusculaire sur la digue. Dimanche matin : l'envol des grues depuis la rive OUEST du Chantecoq. Dimanche après-midi: Cygnes de Bewick, Harles Bièvres et Grandes Aigrettes des lacs de la forêt d'Orient. Dimanche soir retour sur Paris. Le voyage comprenait le transport, le guidage, deux nuits en gîte, un dîner fait maison (Chorba!) et deux petits déj ainsi que deux déjeuners. Et beaucoup, beaucoup d'oiseaux...

Voici pour vous donner une idée, quelques photos d'Anne Lisbet Tollänes et des participants, et la chronique du voyage, séjour exceptionnellement jubilatoire d'autant plus qu'il incarnait notre premier départ de Paris pour Paris Birds. Un baptême, une inauguration.

Car nos séjours, avec le recul, ce n'est pas seulement l'observation et l'appréciation émues de la nature, c'est une ambiance hyper chaleureuse, nourrie de rires mais aussi de discussions hyper enrichissantes, pour ne pas dire scientifiques - et souvent même philosophiques. Chez Paris Birds, il y a du contenu. 

Participants: Marion, Robert, Delphine, Joëlle, Florence, Solange, Valérie, Agnès, Anne Lisbet, et moi-même. 


La CHRONIQUE

par David Rosane, Guide chez Paris Birds

Bonjour ! Ci-après la liste des oiseaux observés ce weekend lors de notre sortie au lac du Der - avec un petit détour rigolo par la forêt d’Orient au retour. Cette liste se veut simplement taxonomique et ne dit rien du nombre époustouflant de certains migrateurs observés, notamment les canards, les oies et les cygnes, venus d’aussi loin pour certains que la Sibérie, et pour qui, cette petite région de France est un lieu de repos bien mérité pour passer l’hiver.

Der. Un lac artificiel devenu réserve naturelle, interdite à la chasse - et un garde manger plein de poissons, d’invertébrés et autres délices aquatiques à se mettre sous la mandibule.

En hiver le lac se vide un peu laissant des pans entiers de vase exposée, des îles recouvertes de pelouses et de saules. Pour des concentrations inouïes d’oiseaux, un paradis, un moment de répit, une exception qui confirme la règle dans nos campagnes autrement surexploitées et sur-occupées par la machine à dévorer le monde.

(c) Anne Lisbet Tollänes

Sous une lumière et un jeu de nuages à rendre dingue le premier peintre romantique venu, les plans d’eau, le ciel, les vasières, les roselières, le bocage, le dessus des bois et des forêts semblaient ne jamais se désemplir du vol chorégraphié des grues cendrées (plus de 13000 individus étaient présents sur le site), ou des rassemblements de cormorans, de pluviers dorés, de hérons et d’aigrettes, de grèbes, de Sarcelles, de Vanneaux, de cygnes, de Harles se déplaçant, se posant, partant, revenant en groupes souvent serrés de plusieurs centaines d’individus, d’un endroit à un autre du spot, toute la journée, aux quatre coins cardinaux de notre horizon. En moins de mots, ça ne s’arrêtait jamais. Une frénésie presque, une féerie en tout cas, comme un retour magique aux instants primordiaux du Pléistocène, un ballet ornithologique digne du temps d’avant la civilisation et la chute du règne du sauvage.




(c) Anne Lisbet Tollänes

Vous trouvez que j’exagère ? Vous viendrez voir par vous-même. Il y avait une telle abondance d’oiseaux qu’à vrai dire on ne savait pas trop où regarder en premier, fallait faire un tri, se concentrer sur telle ou telle espèce, en priorité, tel ou tel attroupement dans la longue vue et les jumelles avant de scanner le suivant. Pour vous donner une idée, un seul balayage samedi sur les rives d’une mare a donné 21 courlis cendrés et la suivante 26 grandes aigrettes debout immobiles en mode tai chi, et le lendemain un alignement de près de cinquante hérons cendrés en posture gargouille.

Compter, identifier, classifier... histoire de mettre un peu d’ordre humain dans ce chaos bouillonnant de vie. Ranger la biosphère et la nommer, nos cerveaux de chasseurs cueilleurs sont préparés à y prendre plaisir. S’émouvoir aussi, ENSEMBLE, des couleurs improbables, comme ces jade et blanc saumoné des Harles bièvres se reflétant dans l’eau couleur d’aluminium.

Se réjouir des grues bien évidemment, de leurs jolies courbes et de leur envergure, des subtiles contrastes de leur plumage dignes d’un aquarelliste japonais, ou du défilé continu et sonore de leurs arrivées en guirlande au couchant, pour dormir sur les vasières du lac, leurs cris résonnants, trompettes célestes, ponctués du sifflement hanté du courlis esseulé qui passe au-dessus, du caquetage de centaines d’oies sur la rive d’en face...

Tout ceci fait hérisser le poil sur l’échine et emplit le réservoir des larmes quand ça ne provoque pas de simples exclamations vocales sans retenue.

« Que du plaisir! » comme disent mes amis musiciens.

J’irai plus loin: Le fait d’avoir été en groupe, et non pas seul, face à ce spectacle sans nom me rappelle (aussi) toute notre humanité. Nous aimons, qu’on le veuille ou pas, faire corps devant la grande scène des drames du vivant. Les concerts de rock, les évènements sportifs, la « ola », les rires dans une salle de théâtre ou de cinéma. Les manifs, la messe, les funérailles. La communion, au sens le plus anthropologique du terme, c’est le partage des émotions et de leur ressenti, qui ont le pouvoir alchimique d’en amplifier l’intensité des lors qu’on est plusieurs, et que le groupe ou la foule font « un ».


(c) Anne Lisbet Tollänes

Lorsque je travaillais au sud Venezuela dans les années 90, sur les rives du Ventuari, au village Ye’kuana de Jodoimenna (mes amis natifs américains dans une autre vie) le chef du village avait obtenu un projecteur de film et a décidé de projeter quelques œuvres de série b sur les murs de la hutte, en extérieur. Il a invité le village Sanema qui se trouvait plus haut sur la rivière.

Les Sanema sont un peuple reclus, de forêt dense, ne vivant qu’au plus profond de la jungle, comme leurs cousins les Yanomamo. Une mode de vie extrêmement simple, épurée. Juste l’essentiel. Très « primitifs » diraient certains imbéciles.

Ils sont arrivés en pirogue au crépuscule, une quasi centaine, et se sont assis en grappes serrées au sol, devant le film. J’étais transporté car ils exprimaient leurs moindres émotions en chœur avec une emphase explosive, au moindre tournant du film. La moindre gifle, course poursuite, baiser déclenchait des « OOOOHH! !» et des ,« AAAAHHH ! » absolument massifs, et des mouvements et basculements du corps et des bras parfaitement synchrones. Tout le long du film. Ils en avaient jamais vus un avant.

Un village, une seule voix.

En regardant les grues samedi soir revenir des champs le gosier rempli de graines de maïs, pour passer la nuit sur le Lac, un petit attroupement d’ornithologues et de gens locaux se rassemblaient avec nous sur la digue. Bouche bée ou en silence ou dans l’exclamation vocale. C’était beau et nous étions libres, ensemble, de le dire en publique, avec tout nos êtres. Sans gêne.




Mon moment privilégié avec les Sanema au coeur de la jungle, ce peuple qui perpétue la mémoire préservée de notre origine commune d’Homo sapiens, m’est remonté aussitôt dans les lobes de la mémoire.

Les anthropologues, certains ethnologues, les experts en psychologie sociale et évolutionniste pointent un moment très, très loin dans notre histoire où notre propension au rassemblement religieux (païen, animiste ou autre) prend corps, devant le mystérieux, l’inexpliqué, le nouveau, le spectaculaire, le beau, le transcendant. En exemple, cette célèbre observation de Jane Goodall, la primatologue, en Tanzanie. Des chimpanzés, nos plus proches cousins génétiques, se réunissaient dans un arbre pour regarder un orage titanesque au loin, une tempête de tonnerre et de foudre.

Et ils sont devenus fous, dansant, criant, se balançant partout. Une sorte de boom pour célébrer ensemble, à leur manière, la violence potentielle du cosmos, voire l’incertitude de la nature, les dangers inhérents à nos lendemains.

« L’union fait la force » comme ils disent. S’émouvoir ensemble c’est aussi faire acte de solidarité. Ainsi sublimés, au diapason et en phase, des êtres sociaux deviennent quelque chose de plus grand, de plus fort, ils incarnent une sorte de super organisme.

Pour le coup des chimpanzés, l’observation de Goodall marquait la première fois que la science documentait ce comportement de ralliement festif chez « les autres » animaux, mais c’était il y a plus de 50 ans. L’humanité prenait à peine conscience de toute notre animalité et de notre place dans cet arbre généalogique assez grandiose -et somme toute assez épique - du vivant.

Le samedi soir après le spectacle des grues, nous avons festoyé comme cela se doit au refuge. L’abondance était au goût du jour. La célébration aussi. Une émotion intense, sublimée et partagée, comportement tout à fait commun chez les singes modernes que nous sommes devenus.

Merci aux participant.e.s pour leur courage et leurs émotions, et leur appétit.

Et merci à Ane Lisbet Tollänes, Solange, Marion, Florence, Agnès, Joëlle pour leurs photos :-)

Voici (enfin!) la liste:

CYGNE TUBERCULÉ

CYGNE DE BEWICK

OIE RIEUSE

OIE CENDRÉE 

TADORNE DE BELON

CANARD SOUCHET

CANARD PILET

CANARD COLVERT

CANARD CHIPEAU

CANARD SIFFLEUR

SARCELLE D’HIVER

FULIGULE MILOUIN

FULIGULE MILOUINAN

NETTE ROUSSE

HARLE BIEVRE

FAISAN DE COLCHIDE

GREBE HUPPÉ 

GRAND CORMORAN

GRANDE AIGRETTE

HERON CENDRÉ 

BUSE VARIABLE

BUSARD ST MARTIN

FAUCON CRÉCERELLE 

FOULQUE MACROULE

GRUE CENDRÉE 

PLUVIER DORÉ 

VANNEAU HUPPÉ 

BÉCASSEAU VARIABLE

BÉCASSINE DES MARAIS

COURLIS CENDRÉS 

MOUETTE RIEUSE

GOELAND CENDRÉ

GOÉLAND LEUCOPHÉE

PIGEON RAMIER

TOURTERELLE TURQUE

CHOUETTE HULOTTE

PIC VERT

PIC EPEICHE

PIPIT SPIONCELLE

BERGERONNETTE GRISE

ROUGEGORGE

GRIVE MAUVIS

GRIVE DRAINE

MERLE NOIR

MESANGE CHARBONNIÈRE 

MESANGE NONNETTE

MESANGE BLEUE

MÉSANGE À LONGUE QUEUE

SITTELLE TORCHEPOT 

GRIMPEREAU DES JARDINS

TROGLODYTE MIGNON

GEAI DES CHÊNES 

CORNEILLE NOIRE

CORBEAU FREUX

ÉTOURNEAU 

MOINEAU DOMESTIQUE 

PINSON DES ARBRES

VERDIER

CHARDONNERET 

GROSBEC CASSENOYAUX


Et pour conclure quelques photos de nos participant-es et d'Anne Lisbet...










(c) Anne Lisbet Tollänes


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